lachen_gezond_werkvloer_tarvin
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Il se qualifie lui-même de « humour engineer » parce qu’il utilise l’humour, l’improvisation et la psychologie positive pour relever différents défis en situation de travail. Cela va de l’amélioration de l’implication des employés à la diminution du stress en passant par une plus grande efficacité en matière de rétention et de recrutement. Cet ingénieur, devenu entre-temps auteur et conférencier, a pour nom Andrew Tarvin. Nous lui avons demandé comment il s’y prenait au juste et quel était l’impact de l’humour en entreprise.

Nous rencontrons Andrew Tarvin à Bruxelles, juste avant qu’il ne monte sur scène pour un événement organisé par Randstad à l’intention de ses clients. L’Américain a commencé sa carrière chez Procter & Gamble, non pas au département des ressources humaines, mais en tant qu’ingénieur informatique. « Je recourais souvent à l’humour dans mes relations avec les collègues », confie-t-il. « Un beau jour, on m’a proposé de donner des conférences sur la façon de perfectionner ses aptitudes en communication, d’organiser des réunions plus efficaces, d’écrire des blogs et des articles intéressants en y injectant une dose d’humour… Je me suis tellement pris au jeu que j’ai même inventé un nouveau titre pour ma fonction: Corporate Humourist! Je pensais que cela n’allait pas être du goût des ressources humaines ou du service juridique, mais personne n’y a trouvé à redire. J’ai donc continué à porter ce titre (rires). Au début, ce n’était rien d’autre qu’une tactique personnelle pour égayer les réunions ennuyeuses, par exemple. Mais en approfondissant la question, j’ai découvert que de nombreuses recherches avaient été menées et que divers articles très sérieux avaient été consacrés à l’humour au travail, notamment dans la Harvard Business Review et à l’université de Stanford. Je me suis rendu compte que cela valait vraiment la peine d’adopter une approche structurelle en la matière. »

 

nerd introverti

Après quelques années chez P&G, Tarvin décide en 2009 d’initier d’autres entreprises aux bienfaits de l’humour. D’abord à temps partiel, à côté de son travail chez le géant FMCG; puis, à partir de 2012, en tant qu’auteur et conférencier à plein temps. Pendant toutes ces années, il a donné d’innombrables conférences, ateliers et sessions de formation et a publié plusieurs livres sur le thème de l’humour. « Je pense que mon intérêt pour l’humour vient du fait que je suis ingénieur », note-t-il. « Je sais: beaucoup de gens pensent que cela ne va pas vraiment ensemble, mais comme je suis une sorte de nerd introverti, j’ai bien vite compris que l’humour était très utile au contact des autres. J’ai aussi suivi des cours d’improvisation, ce qui m’a fait réaliser que l’on pouvait apprendre à être drôle. Et que l’on peut aussi en tirer parti au travail. Je n’étais plus nerveux lorsque je devais faire une présentation à mon CEO, parce que la veille, j’avais fait un numéro de comique pour douze personnes dans une cave obscure… »

Tout le monde n’a pas de talents innés pour devenir un humoriste, mais Tarvin est convaincu que nous avons tous le potentiel pour devenir plus amusants. « L’humour est à la fois un art et une science. Autrement dit, cela s’apprend. Comment construire une blague, bien préparer la chute, attendre le bon moment… Tout cela s’apprend. Est-ce qu’il s’agit de devenir un deuxième Jimmy Carr? Bien sûr que non. D’ailleurs, avoir de l’humour n’est pas la même chose qu’être un acteur comique. On peut y recourir au travail, sans vouloir convertir chaque employé en artiste de cabaret. Les objectifs sont en outre complètement différents. Il ne s’agit pas de plaisanter sur tous les sujets, mais de tirer un plus grand plaisir de son travail. » 

 

rire avec le FBI

Les études montrent que l’humour procure une foule d’avantages sur le lieu de travail, poursuit Tarvin. « Le rire est un excellent outil antistress, l’humour aide les gens à booster leur créativité et donc à résoudre les problèmes plus rapidement. Il permet d’améliorer la communication, d’entrer plus rapidement en relation avec les gens… Et ainsi de suite. Nous avons également dispensé nos formations au sein d’organisations comme le FBI, la NASA, la Croix-Rouge ou les Nations unies, soit des institutions très sérieuses où l’on aurait pu penser que l’humour n’avait pas sa place. Or, cela n’est pas vrai. Les membres de la Croix-Rouge m’ont dit qu’ils aimaient utiliser l’humour dans leurs présentations, et que cela devenait même parfois une question de vie ou de mort, notamment pour les interventions lors d’une catastrophe. Si les gens sont distraits et se déconcentrent pendant ces présentations, ils risquent de le payer de leur vie plus tard, par exemple en cas d’inondation. » 

Tarvin donne un autre exemple. « L’humour est un excellent moyen de créer une sorte de cadre psychologique rassurant au travail. Si l’on souhaite créer un environnement de travail où l’on encourage l’authenticité, l’humour doit en faire partie. Après tout, le rire est le propre de l’homme. Et il crée des liens. Des recherches ont montré que les personnes qui rient des mêmes choses se sentent également plus proches les unes des autres. L’humour contribue en outre à effacer les différences de statut. Un chef d’équipe ou un CEO qui utilise l’autodérision montre qu’il n’est lui aussi qu’un être humain, à qui l’on peut s’adresser sans crainte. » 

 

méditation, sport ou humour?

Le lieu de travail n’est pas vraiment l’environnement le plus facile pour faire de l’humour, reconnaît Tarvin. Une blague au bureau doit rester inclusive et positive. Les plaisanteries sarcastiques qui flirtent avec les limites ou attaquent un collègue particulier sont à proscrire. On ne peut pas non plus tout attendre de l’humour. « C’est un outil parmi tant d’autres », souligne Tarvin. « Il permet notamment de réduire le stress, mais l’on peut obtenir le même résultat en méditant ou en faisant du sport. Il n’empêche que l’humour est souvent le moyen le plus agréable (rires). Bien sûr, il y a beaucoup d’autres choses qui sont importantes sur le lieu de travail, comme donner un sens à ce que l’on fait ou établir de bonnes relations avec ses collègues, mais je suis convaincu que l’humour peut aider dans de nombreuses situations. J’ai lu quelque part que les personnes qui avaient au moins trois amis au travail menaient une vie beaucoup plus heureuse. Pas seulement au travail, mais dans leur existence en général. Eh bien, l’humour peut vous aider à trouver ces amis. » 

Tarvin constate que cette culture de l’humour fait encore défaut dans de nombreuses entreprises. « On me pose souvent la question: si l’humour présente tant d’avantages, pourquoi les entreprises qui y ont recours sont si rares? La principale raison est que les gens pensent que leur patron ou leurs collègues n’apprécieraient pas. Or, c’est souvent tout à fait faux. Une étude bien connue montre que les CEO, lorsqu’ils ont le choix entre deux candidats de même niveau, optent presque toujours pour celui qui a le plus d’humour. L’entreprise doit montrer que l’humour est le bienvenu, l’encourager et même le récompenser. Chez P&G, par exemple, nous décernions chaque mois un prix pour le « courriel le plus drôle ». Les initiatives de ce genre sont très efficaces. Mais il y a aussi des entreprises qui jouent à fond la carte de l’humour, par exemple dans leur communication. Je pense notamment à SouthWest Airlines ou à Zappos, une boutique de vêtements en ligne. Et les tweets de la chaîne de fastfood Wendy’s sont souvent à mourir de rire. » 

 

l’humour permet de discuter de tout

Pour conclure, quels sont les humoristes préférés de Tarvin? « Oh, il y en a pas mal… Mais celui que je préfère est sans doute Eddie Izzard. Je pourrais ensuite citer des comiques classiques comme George Carlin et Richard Pryor. Je craque aussi pour Ian Lara, un jeune comédien de New York, il est formidable ! De même, je trouve le Britannique James Acaster très drôle. Et je me dois de mentionner Tig Notaro, car elle est un parfait exemple de la façon dont les humoristes traitent aujourd’hui les sujets sérieux. Ainsi, elle a monté un spectacle hilarant juste après qu’on lui ait diagnostiqué un cancer du sein. La façon dont elle réagit à sa maladie est tout simplement incroyable. James Acaster aborde aussi régulièrement son combat contre la dépression dans ses spectacles. Bref, même les thèmes les plus graves peuvent être traités avec humour. » 



 

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L'humour est un outil parmi tant d’autres. Il permet notamment de réduire le stress, mais l’on peut obtenir le même résultat en méditant ou en faisant du sport. Il n’empêche que l’humour est souvent le moyen le plus agréable (rires).

Andrew Tarvin